Fanny Bastien, plus sombre est la lumière

 

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Elle aurait pu être une star mais elle a préféré rester une saltimbanque. A la fois troublante, discrète, raffinée et lumineuse, à plus de cinquante ans Fanny Bastien est toujours aussi envoûtante que déroutante.

Il suffit de regarder quelques images du court métrage Paris – Dakar réalisé en 2006 pour en être persuadé. Juste un plan fixe de quelques secondes sur son visage, une atmosphère feutrée, quelques mots prononcés en tirant sur une cigarette…et le charme continu d’opérer comme il y a trente ans.

 

 

La petite sauvageonne à la gueule d’ange débarque au début des années 80 dans le cinéma avec ses bouquins de London et de Sturgeon sous le bras et ses yeux gris qui tranchent avec sa chevelure ténébreuse. Elle n’a que vingt ans mais à l’image de ces écrivains américains autodidactes, elle s’est déjà frottée à la danse, au cirque et au théâtre. Fanny appartient à cette éphémère génération de jeunes comédiennes, filles de feu des années 80, les Kaprisky, Dalle, Roussel, Detmers, Basler, Delpy, Valandrey…qui vont faire souffler un vent nouveau sur le 7ème art made in France.

 

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Après quelques apparitions anecdotiques au cinéma, elle décroche le rôle de Dorothée  danseuse de corde dans une production télé en plusieurs parties. Le personnage du roman éponyme de Maurice Leblanc semble fait pour la jeune comédienne. Cette adolescente hantée par un passé énigmatique joue avec la vie comme une funambule. L’énigme de la comtesse Cagliostro « In robore fortuna »  littéralement « la fortune est dans le chêne » mais qui peut s’entendre comme « la fortune est dans la fermeté de l’âme » est le fil d’Ariane du récit. La devise un peu ésotérique colle aussi bien à Dorothée  qu’à la gravité angélique de son interprète. Elle va en faire la marque de fabrique de son parcours de comédienne.

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Le téléfilm est devenu introuvable et aucun extrait n’est disponible sur intrnet – vont se bouger le c…à l’INA !

1984 est l’année de la notoriété pour Fanny qui enchaîne 2 films à succès, Pinot simple flic une comédie sociale qui la fera connaître du grand public et Urgence un road movie de Gilles Béhat bien mené. Le film aujourd’hui un peu oublié annonce le personnage encore plus ténébreux de Poussière d’ange.

Le coup du lance flamme, l’une des meilleures trouvailles de G.Béhat !

Fanny obtient une nomination aux Césars et sa carrière décolle.

Poussière d’ange d’Edouard Niermans est un film touché par la grâce, une série noire qui vaut d’abord par l’ambiance ténébreuse et la poétique intemporelle qui s’en dégage.  L’action se déroule dans une cité imaginaire que le cinéaste a composé à partir de de plusieurs lieux emblématiques de villes bien réelles..Fanny Bastien et Bernard Giraudeau y incarnent deux personnages à la dérive dont la rencontre fait des étincelles.

La Violetta de Niermans est emblématique de la réflexion que ce nouveau cinéma français a pu porter sur la déshérence d’une certaine jeunesse des années 80. C’est aussi le rôle le plus accompli de l’actrice qui tout au long de ses apparitions et de ses disparitions maintient la tension et le mystère autour d’elle.

Z’ont quand même un problème

Ce coup d’éclat ouvre une nouvelle pétiode de la carrière de Fanny. Après l’année 86 elle va se faire plus rare dans les films « grand public ». Elle ne retrouve pas de nouveaux rôles à sa mesure en France. Pas du genre à faire carrière ni à devenir une boulimique des tournages, elle écarte les propositions qui tendent à l’enfermer dans des rôles de femmes-enfant et ne peuvent satifaire à l’étendu de son registre. Ses passions pour le voyage et l’ethnologie, son envie d’exister autrement et de s’investir dans des oeuvres d’auteur ou des évènements donnent l’impression d’une forme d’intermittence. Ce n’est pourtant qu’une apparence.

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Si elle n’est plus une habituée des tournages de l’hexagone elle participe à de nombreuses productions européennes de qualité dans lesquelles elle réussie des prestations remarquées. On peut notamment citer Stradivari, Les enfants des néons ou Le signe du pouvoir… 

Toutefois, il est probable qu’elle n’a pas encore trouvé le rôle de sa vie, celui qui éclaboussera la bulle cinéma de ce talent pur et si particulier qui lui permet de passer de l’ombre à la lumière comme personne. Hélas l’expressionnisme allemand n’est plus, Tarkovski est mort et Wenders n’a pas croisé son chemin.

Mais rassurez vous, elle sera la partenaire de Joaquim Phoenix dans Plus Sombre est la lumière le prochain James Gray. C’est un scoop exclusif que Fanny n’a donné qu’à Lombrieur ! 

 

 

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Comme elle l’écrit sur son blog Quand, dans cette vie, advint le jour de la lumière, je fus propulsée telle une météorite dans une sombre forêt, je dois beaucoup à mon sang arc en ciel »

A suivre…

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Comme un dessin de Raphael

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