Mais qui es tu vraiment Michel Strogoff ?

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XIXème siècle en Russie sous le règne du Tsar Alexandre II, les tribus Tartares investissent la Sibérie orientale, mettant en déroute les garnisons russes, dévastant les villages et semant la terreur parmi les populations colons. Les communications sont coupées et le souverain, n’a d’autre solution que d’envoyer l’un de ses courriers d’élite afin de prévenir son frère, le Grand Duc Dimitri, de se retrancher dans Irkoutsk, la capitale de la Sibérie orientale.

 On connaît la suite: c’est un jeune capitaine d’origine sibérienne qui est choisi pour mener à bien cette mission secrète. Il va réussir l’exploit de parcourir plus de 5500 km avec des moyens de fortune dans un pays désorganisé et semé de dangers, en échappant aux tartares qui le traquent pourtant impitoyablement.

   « Michel STROGOFF »paraît en 1871 spécialement pour célébrer la visite du Tsar à Paris. Un Jules Verne à part qui ne donne pas leurs places habituelles aux machines infernales, monstres marins, catastrophes naturelles ou scientifiques visionnaires, mais qui célèbre la force physique et mentale d’un Hercule moderne que rien ni personne ne semble pouvoir arrêter. Cette littérature en ligne droite est toute dédiée au mythe du super héros et ne s’encombre guère d’autres considérations. Le message s’il n’est pas totalement apolitique, est simpliste : La Sibérie c’est la Russie, point de salut sans l’administration impériale. Le bon Jules obtient d’ailleurs la bénédiction des autorités russes avant la sortie de son roman.

 Le livre connaîtra un succès sans cesse renouvelé et fera dès le début du 20èmesiècle l’objet de plusieurs adaptations au grand écran, pour l’essentiel rien d’inoubliable. On se souvient notamment d’un film médiocre avec Curd JÜRGENS qui incarnait STROGOFF, donnant même un second opus grisonnant style « 20 ans après » aux aventures de l’intrépide capitaine.

 C’’est finalement une coproduction franco-austro-germano-belge réalisée par Jean Pierre DECOURT pour le petit écran qui va donner à l’œuvre culte de Jules Verne, ses lettres de noblesse dans le 7ème art. A l’inverse de roman, c’est le questionnement autour des problématiques de la colonisation et de l’identité culturelle qui est le thème central de ce téléfilm en sept parties diffusé pour la première fois en 1975.

 

 

Pour ce faire, DECOURT dispose des moyens relativement importants pour l’époque et d’un casting de grande qualité. Il fait le choix d’organiser sa narration essentiellement autour de l’itinéraire croisé des 2 couples composés par les quatre personnages principaux du Roman.

Le couple Michel STROGOFF- Nadia FEDOR conserve évidemment la place première qu’il occupe dans le roman. Le téléfilm donne un plus grand relief au personnage de Nadia et aux tensions voir à certaines incompréhensions qui peuvent exister entre cette fille d’intellectuel dissident déporté et le capitaine des courriers impériaux, issu d’une famille de petits colons russes installés en Sibérie. Si ce dernier reste dans la première partie du téléfilm, l’indestructible bête humaine décrite dans le roman, il va progressivement abandonner son costume de super héros pour douter du bien fondé de sa mission.

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Le couple Yvan OGAREFF- SANGARE – beaucoup plus en lumière que dans le roman – est emblématique du carrefour culturel que représente le territoire sibérien à cette époque. A l’inverse du traître à la patrie décrit par Jules VERNE, le colonel OGAREFF est le seul personnage du roman à être animé par un idéal politique. Le moteur de son action est l’instauration d’une république sibérienne. DECOURT fait du « méchant » du roman, un intellectuel complexe à la double culture en lutte contre le totalitarisme et le colonialisme de l’Empire russe. L’homme n’hésite pas non plus à opposer au féodalisme de son allié FEOFAR, une approche égalitaire et humaniste de la lutte pour l’indépendance de la Sibérie, contestant même la vision très traditionaliste des autres tartares quant à la place de la femme dans la société.

 Si SANGARE est tout aussi marginale que son compagnon, la belle voyante tsigane, ni russe ni tartare, ne semble guère concernée par le conflit pour la terre de Sibérie. Plus intuitive et énigmatique, seul lui importe véritablement l’amour sans faille qu’elle porte à OGAREFF. La relation entre l’ex officier de l’armée russe épris de rationalisme et cette fille des grands chemins versée dans les arts occultes, n’est d’ailleurs pas le moindre des paradoxes du téléfilm.

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Tout au long de ce voyage entre Moscou et Irkoutsk, ponctué par l’inoubliable musique de Vladimir COSMA, que ce soit à travers l’avancée de STROGOFF ou celle d’OGAREFF, on ne peut que constater les méfaits de l’impérialisme. Inégalité, pauvreté, souffrance et totalitarisme sont les leitmotivs de ces immenses territoires sibériens pris dans la tourmente de la reconquête tartare. Le courrier du Tsar – supplicié et désormais aveugle ! – en arrive alors à douter de sa mission et de la légitimité du régime qu’il sert :

« – Est-ce cela le droit, pour qui faisons nous cela Nadia ?

Le Grand Duc Dimitri est une canaille et cette Sibérie dans laquelle je suis venu au monde, était aux Tartares. Nous les avons proprement dépouillés ! » On est là complètement hors de propos du STROGOFF original du roman de Verne.

Autre exemple du contre pied fait à Jules Verne, un échange entre OGAREFF et un instituteur russe qui contre toute attente a pris le parti des Tartares

OGAREFF – « Vous n’êtes pas Tartare ? »

L’instituteur – « J’ai pourtant choisi votre camp. L’administration russe a pourri ce pays comme toutes les régions qu’elle touche. Le colosse à des pieds d’argile. La corruption fait des ravages. »

 OGAREFF – « Adieu ami, je me souviendrai de vous »

 

 

 

Alors pourquoi STROGOFF poursuit-il me direz vous ?  Probablement, cette capacité à ne jamais lâcher par principe, à faire le job quoi qu’il advienne parce que c’est dans son ADN. Au fond, il s’agit du drame de tous ces militaires embarqués dans des enjeux qui les dépassent.

Au bout de la route reste l’inoubliable confrontation finale entre STROGOFF et OGAREFF devant la porte d’Irkoutsk. Le premier après avoir terrassé le second, refuse qu’il soit qualifié de traître par un Grand Duc pour lequel il ne ressent au final plus que mépris.

Le Grand Duc – « Je regrette qu’il soit mort. Il méritait une mort beaucoup plus cruelle. Il n’y a pas de mort assez dure pour les lâches de son espèce »

STROGOFF – « Ce n’est pas un lâche, il est mort en héros »

Le Grand Duc – « Capitaine, je m’étonne que vous défendiez un traitre »

STROGOFF – « Il n’est pas traitre celui qui reste fidèle à son idéal jusqu’au bout »

 Nous aussi commencions à sortir du simplisme du roman et à apprécier ce militant d’OGAREFF.

KK

 Bien entendu, les thèmes suggérés par DECOURT font largement écho aux préoccupations politiques de la fin des années 70. Guerres de décolonisation, explosion des nationalismes, réforme agraire…sont en filigrane de cette très belle adaptation. Quant à la description d’une administration russe impérialiste et corrompue, elle n’est pas sans rappeler le régime soviétique déjà sur sa fin même si à l’époque personne n’envisageait l’effondrement à venir.

Force est de constater aujourd’hui que l’analyse est toujours d’actualité et que la problématique de l’impérialisme russe dépasse la nature du régime en place dans le pays.

 

Un mot sur les acteurs tous formidables :

 Le regretté Raimund Harmstorf campe un inoubliable Michel STROGOFF, à la fois virile, secret et fragile. Lorenza Guerrieri est une Nadia sensuelle et pleine de caractère. Rada Rassimov donne une nouvelle dimension au personnage de la belle Sangar. Quant à Valeri Popesco, il incarne un Yvan OGAREFF racé, complexe et bien différent de la caricature du traître créé par Jules Verne.

 

Même si avec le temps, la mise en scène a un peu vieilli, ce téléfilm reste toujours la meilleure adaptation libre à l’écran du Roman et bénéficie désormais d’un petit cachet rétro qui le laisse revoir avec beaucoup d’intérêt et de plaisir. C’est aussi l’occasion de rendre hommage à Jean Pierre DECOURT, pionnier et réalisateur majeur du petit écran français.

 

Dommage qu’il soit bien difficile de trouver ce téléfilm faute d’une édition DVD.

C’est tout pourri mon Basilou !

Une nouvelle rubrique, certains diraient c’est kitch, moi je dis c’est « tout pourri ».

La preuve :

Le genre de truc que pouvaient se permettre les stars de l’OM à l’époque

Certes c’est tout pourri mais imaginez si c’était Jérémy Morel et André Pierre Gignac.

Champagne urbain

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Marseille,

femme accroupie se substituant aux fonctionnaires municipaux

 

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Strasbourg,

femme accroupie sur une tortue

Le jour où le football est mort

Barcelone, 5 juillet 1982, Italie – Brésil, match qualificatif pour la demie-finale de la coupe du monde

Le Brésil disposait de l’un des plus beaux milieux de terrain de l’histoire du foot.

La flamboyante Seléção de Télé Santana emmenée par le génial Zico donnait l’impression d’être invincible.

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En face, la Squadra azzurra qui au regard de ses misérables prestations du premier tour, semblait à des années lumières du niveau de jeu des Auriverde.

Et il fallait une victoire aux italiens pour se qualifier alors que le Brésil pouvait se contenter d’un match nul.

Bref..,, c’était déjà plié. Il n’y avait d’ailleurs pour s’en convaincre qu’à se souvenir lors des précédents matchs, du famélique Paolo Rossi qui se traînait sur le terrain.

Comment ce joueur suspendu pendant deux ans et tout juste sorti de prison suite à sa condamnation dans l’affaire du totonero, pouvait-il espérer faire quoi que ce soit contre les extraterrestres du ballon qu’étaient les brésiliens de 82 ?

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Mais Paolo Rossi n’était pas un simple joueur de foot, c’était un roman…et on ne peut pas gagner contre un roman.

Miss White and the drunken piano

Ça le fait trop  !

 

On la remet un coup ?

La Légende des chevaliers aux 108 étoiles

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Cette série oubliée fut diffusée à partir de 1977 sur TF1, alors chaîne publique. C’est la première production japonaise qui débarqua en France. Son exotisme et sa singularité fascinèrent nombre de gosses aujourd’hui quarantenaires et contribuèrent à diffuser durablement l’imaginaire nippon auprès du grand public français.

De ce conte féodal relatant les exploits d’une coalition de rebelles en lutte contre la corruption du gouvernement et des hauts fonctionnaires de la cour de l’empereur de Chine, on se souvient d’abord de la figure de Ling Shun, l’homme qui va plus vite que le vent (juste parmi les justes), de la truculente trame musicale du générique et surtout de la légende de la stèle aux 108 étoiles racontée par une voix off au début de chaque épisode.

 La série qui faisait donc figure d’OVNI dans l’univers télévisuel français de l’époque, était en fait une adaptation de l’une des plus grandes oeuvres de la littérature chinoise. Il s’agit du roman d’aventures « Au bord de l’eau » (« Shui-hu-zhuan », en chinois, littéralement « le récit des berges ») tiré de la tradition orale chinoise, compilé et écrit par plusieurs auteurs, mais attribué généralement à Shi Nai’an (XIVème siècle).

Ce récit fait partie des quatre grands romans classiques de la littérature chinoise, avec l’Histoire des trois royaumesle Voyage en occident et le Rêve dans le pavillon rouge. Sa notoriété est telle que de très nombreuses versions ont été rédigées.

Le roman s’ouvre sur une période de crise de l’immense Empire Chinois. Nous sommes en 1058, sous la dynastie des Song, et les épidémies ravagent le pays. Inondations et incendies viennent aggraver la situation et jeter le Fils du Ciel lui-même dans l’émoi. C’est alors qu’un ministre formule une recommandation : appeler un saint homme, Zhang le Parfait, Grand Maître du Tao et descendant des Han, au secours de la nation.

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 C’est au grand maréchal Hong Xin que reviendra l’honneur de quérir le prêtre pour qu’il vienne célébrer dans la capitale les rituels destinés à écarter les fléaux. Hélas, Hong Xin tombe dans les pièges tendus par le saint homme pour tester sa détermination. C’est ainsi que cédant à son impulsion, il fait desceller une stèle enfouie depuis des siècles, stèle grâce à laquelle les grands maîtres taoïstes ont emprisonné 108 rois-démons dont ils ont débarrassé la Chine. A peine l’acte sacrilège commis, 108 rayons s’échappent dans un bruit de tonnerre et se transforment en autant d’étoiles. Terrifié, le maréchal ne dit mot de ses aventures mais les 108 forces déchaînées vont dès lors mettre la Chine à feu et à sang, semer le désordre et ébranler les fondements mêmes de l’autorité impériale. On ne le découvrira qu’à la fin du roman, mais les 108 astres se sont incarnés dans les merveilleux héros du roman, formant la bande qui deviendra immortelle sous le nom des chevaliers aux 108 étoiles. A noter la similitude entre la légende de la boite de Pandore et celle de cette stèle.

Nous sommes donc «au bord de l’eau», dans la moiteur des marécages et des forêts, en compagnie de tout ce que le pays compte de hors-la-loi et de bateleurs, de mendigots et insurgés, de proscrits et vagabonds. Autant de justiciers, autant de maquisards au cœur généreux qui, de vendettas en embuscades, assaillent les palais des riches, pillent les convois d’or, détroussent les mandarins et les fonctionnaires véreux, empalent les bonzes corrompus, portent secours à la veuve et à l’orphelin. Ils s’appellent Tourbillon Noir, Bras de Fer, Tête de Léopard, Démon du Couperet, Tigre Bleu, Abrégeur de Jours, Licorne de Jade, Scorpion à Deux Têtes ou Brave la Mort…; leur devise : «Agir à la place du ciel», leur morale : une fraternité instinctive qui ne s’encombre jamais de respecter un ordre social injuste, leur religion : l’insurrection permanente.

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Voilà pourquoi Au bord de l’eau n’est pas un simple western oriental, si truculent soit-il : souvent censuré dans le passé, ce brûlot est un bréviaire de la subversion, un hymne à la résistance. Même si nos 108 héros combattent l’ordre établi, ce ne sont pas forcément des enfants de chœur aux principes infaillibles, leur révolte incarne avant tout un choix de vie, celui de la clandestinité . Pour faire référence à des personnages du folklore historique européen, nous sommes assez proche de Mandrin ou encore des Haîdouks.

Pour en revenir à la série, même si le jeu des acteurs est outré, les effets spéciaux tout pourris, que la mise en scène respire le kitch et qu’elle ne reprend que partiellement toute la profondeur de l’arrière plan poético-politique du roman, elle est une vraie réussite dans la mesure où elle a su préserver cette part de magie, cette identité particulière qui caractérise les œuvres phares de la littérature. Avec Au bord de l’eau, nous sommes bien dans la catégorie de L’Iliade et l’Odyssée, de Don Quichotte ou encore des Misérables…, celle des grandes fresques essentielles dans une culture parce qu’elles ont débordé du seul cadre de la littérature pour devenir des mythes qui ont traversé les âges.

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Le roman  fait l’objet d’une traduction française de grande qualité publiée chez folio en deux énormes tomes. Par ailleurs, plusieurs projets de film sont à l’étude à Hong Kong. La série existe en DVD seulement en version anglaise mais bon…on peut trouver l’épisode 1 en version française ici :

Melancthe

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Marseille, fin des années 90 argentique

J’ai le souvenir qu’elle était très grande, avait des cheveux incroyables et qu’il émanait d’elle une élégance presque anachronique. Je crois qu’elle ne s’intéressait pas vraiment à l’étalage mais était perdue dans ses pensées. Son détachement m’a rappelé le personnage du roman de Jack Vance d’où le nom que j’ai donné à cette photo.

1980, USA VS URSS : « Miracle on Ice »

Le monument de l’histoire du Hockey sur glace

Jeux Olympiques de Lake Placid :

contre toute attente l’équipe nationale des USA composée de jeunes universitaires inconnus s’impose au bout de la nuit et d’un match inoubliable devant la dream-team soviétique de l’époque pourtant réputée imbattable.

L’ambiance dans la patinoire est totalement hors norme et permet aux américains de faire le match de leur vie face aux joueurs de légende de ce qui fut probablement l’une des plus grandes équipes de l’histoire de ce sport. Les USA seront dominés pendant toute la rencontre mais vont revenir avec l’énergie du désespoir par trois fois à la marque avant de prendre l’avantage dans le dernier tiers temps.

Cette victoire inouïe dans un contexte international particulièrement difficile pour les Etats Unis (les otages d’Iran, l’invasion de l’Afghanistan, le boycott des jeux de Moscou) avait valeur de symbole et a forcément pris une dimension politique. Mais il s’agit avant tout d’un sommet de l’histoire du sport. Même s’il ne faut jamais sous-estimer le hockey universitaire américain, c’est un peu comme si une équipe d’amateurs avait gagné la coupe du monde de foot, impensable !

 J’ai vu ce match quand j’étais gosse. Lorsque j’y repense, j’en ai encore des frissons. J’avais le sentiment que le monde entier s’était arrêté de vivre et avait les yeux rivés sur cette patinoire. Je me souviens du regard énigmatique vers le ciel ou vers l’horloge (?) de Herb Brooks le coach des USA quand son équipe passe devant à 10 minutes de la fin. La suite est dantesque, les soviétiques manquent d’égaliser une dizaine de fois mais Jim Craig, le gardien américain qui ce soir là est touché par la grâce, multiplie les miracles.

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Quelques jours plus tard, les USA une nouvelle fois menée au score, battent la Finlande et ravissent le titre olympique aux soviétiques qui le détenait depuis 1964.

Au delà du fait qu’il représente un moment exceptionnel de l’histoire du sport, ce qui interpelle dans Miracle on Ice, c’est la façon dont un contexte émotionnel peut transcender un collectif et lui permettre de réaliser quelque chose de complètement improbable.

Les 400 coups

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Ce n’est pas eux que je voulais photographier mais ils sont passés dans le viseur de mon Minox en faisant les malins alors j’ai déclenché. J’aime la joie de vivre qui se dégage de la photo. Elle me fait penser au film les 400 coups.