Un peu de douceur dans ce monde de brutes
Album à venir de Dominique A
Un peu de douceur dans ce monde de brutes
Album à venir de Dominique A
Après l’après-midi de chien du vendredi, ce dimanche devait être un autre jour.
Presque deux millions de personnes s’étaient rassemblées pour battre le pavé parisien de République à Nation en passant par Voltaire, quantitativement plus vu depuis Jean Misère.
On nous promettait le grand soir mais il y a eu juste à manger et à boire.
À la fin, les damnés de la terre n’avaient toujours pas trouvé la sortie de l’Enfer.
Quand on y réfléchit sept secondes,
Difficile de marcher au nom de la liberté aux côtés des représentants du Qatar et de l’Arabie saoudite,
Difficile aussi de marcher avec un premier ministre israélien qui gouverne avec l’extrême droite religieuse et bombarde les civils de Gaza,
Difficile encore de voir les représentants de la République finir la journée à la messe, que ce soit dans une église, un temple, une mosquée ou une synagogue,
Difficile enfin de voir sur les plateaux, le CRIF donner des leçons de laïcité,
Difficile au final de faire comme si tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil.
Mais qu’ont pu penser de ça ceux qui n’auront pas venu ?
Encore désolé pour tout Papa Tango….
La marche de ce jour dans Paris, tant par ses motivations que par dimension, n’a qu’un seul précédent dans l’histoire de la capitale : les funérailles de Victor Hugo des 31 mai et 1er juin 1885.
Exilé sous le second empire, Victor Hugo est revenu vivre en France à partir de 1870. Malgré son passé royaliste puis droitier, après la victoire politique de la gauche sur les monarchistes, l’auteur des Misérables apparaît comme symbole national de la République.
Le 22 mai 1885, il décède d’une congestion pulmonaire. L’annonce de sa mort, bien qu’attendue depuis plusieurs jours, provoque une véritable onde de choc.
Sa dernière volonté est très explicite « je donne cinquante mille francs aux pauvres. Je désire être porté au cimetière dans leur corbillard. Je refuse l’oraison de toutes les églises, je demande une prière à toutes les âmes. Je crois en Dieu. ».
Des drapeaux tricolores portant un crêpe noir apparaissent aux fenêtres et plusieurs dizaines de milliers de personnes défilent devant le registre mortuaire installé dans une petite pièce à l’entrée de sa maison. Le samedi 23, dix-sept journaux sont édités avec un cadre noir en première page.
Suite à la forte mobilisation populaire et malgré l’Eglise qui fulmine, le gouvernement est contraint de redonner au Panthéon sa vocation révolutionnaire de tombeau des grands personnages de la nation. Il annonce simultanément que le corps de Victor Hugo y sera déposé. Le 29 mai, des ouvriers montent sur le fronton de la désormais ancienne église, scient la croix et déracinent son montant.
Le gouvernement craint alors de voir les funérailles du poète se transformer en journée révolutionnaire. Pour limiter l’ampleur du cortège et canaliser les éléments d’extrême gauche, il reporte la cérémonie du dimanche et arrête un itinéraire qui passe Boulevard saint Germain afin d’éviter la traversée du Paris populaire.
Mais l’Histoire ne se contrôle pas aussi aisément. Ainsi, le transport du corps de Hugo, de sa maison vers l’Arc de Triomphe, prévu pour s’opérer de nuit dans la discrétion, se transforme déjà en manifestation publique.
Pendant 36 heures, le corps sera ainsi exposé sous l’Arc, couvert de longs draps noirs, au cœur d’une foule aussi importante que variée.
Lundi 1er juin, à 10h30, vingt et une salves sont tirées des Invalides, salves qui vont se poursuivre chaque demie-heure, toute la journée. La manifestation est placée sous haute surveillance policière, et l’armée mobilisée occupe les points stratégiques.
La foule est immense. La procession débute à 11 heures pour se terminer seulement vers 19 heures au Panthéon, tant l’affluence est gigantesque. « Cette foule en blouse, en casquette, en bourgeron, en pantalon de travail, c’était bien le vrai peuple de Paris qui venait décerner son ultime hommage au grand poète » (Le Cri du Peuple).
Combien de personnes ont participé à cette cérémonie ? Probablement entre deux et trois millions.
Manifestement, il s’agissait d’une journée historique et annonciatrice d’une nouvelle ère, d’une journée où la foule a dit « Nous sommes un peuple ! », à l’identique de ce qui s’est passé ce dimanche dans les rues de Paris.
C’était en 1985, c’était allemand, c’était la new wave, c’était Modern Talking, c’était Dieter Bohlen et Thomas Anders, c’était You’re my heart, You’re my soul...
et c’était tout pourri !
Les vrais initiés du tout pourri apprécieront la pseudo-fumée derrière Thomas Anders et le sourire vicelard de Dieter Bohlen.
Pour la petite histoire, le synthé – guitare de Thomas Anders qui est l’incontestable star de ce clip, doit être selon toute probabilité un Korg RK-100.
J’ai vu le 3ème volet du Hobbit. Pauvre Tolkien, méritait pas ça…
Il est vraiment tout pourri ton film Peter, va te lire un livre de JRR. Tu comprendras que Tolkien c’est pas comme un jeu de baston sur PS4 avec une orgie d’effets spéciaux de merde et des elfes aux oreilles pointues (les elfes de Tolkien n’ont pas les oreilles pointues) !
En sortant du ciné, qu’une envie : relire quelques lignes de l’auteur du Seigneur des anneaux afin d’oublier le wargame dégoulinant de Peter Jackson et retrouver un peu de la magie de la Terre du Milieu, celle qui a marqué plusieurs générations de lecteurs et ouvert la voie à un nouveau genre littéraire.
Je me suis donc replongé dans la légende que je préfère, celle des enfants de Hurin ( Narn i chîn Hurin). Tolkien avait déjà abordé le sujet dans Le Silmarillion et un chapitre lui était également consacré dans ses contes et légendes inachevés. Plus récemment Christopher Tolkien qui depuis plusieurs décennies s’efforce d’exhumer et de publier l’importante matière laissée par son père, a consacré un volume entier aux enfants de Hurin. Il s’agit de la version la plus achevée de ce récit, probablement l’un des plus étranges qu’ait pu créer Tolkien.
Dans cet opus posthume, on se retrouve donc dans le bruit, la fureur et l’obscurité du premier âge de la Terre du Milieu, des milliers d’années avant l’époque de Bilbo le hobbit ou du Seigneur…. Comme le titre le laisse supposer, Il est question de la Maison de Hurin, seigneur des hommes de Dor Lomin et tout particulièrement de son fils Turin Turambar, le maudit.
Dès les premières pages, il est évident que dans la famille Tolkien, on ne rigole pas avec l’oeuvre du patriarche –prend ça dans ta gueule Peter !-. La narration est construite dans le plus grand respect de ses écrits et de ses intentions. L’abondance des notes en fin de volume laisse entrevoir l’ampleur du travail fourmi par le fiston qui incontestablement apporte encore au charme de cette légende.
Turin est certainement le personnage le plus complexe et le plus torturé de l’oeuvre et de l’univers de Tolkien. Seigneur déchu et quasi orphelin, errant dans une époque troublée, il est en quête de son identité mais aussi d’une inaccessible rédemption. Il y a un peu d’Oedipe ou de la malédiction des Atrides dans son destin à jamais marqué par le meurtre et l’inceste.
Ce n’est pas un hasard si la vie d’adulte de Turin commence juste après le grand fait de son temps, les larmes innombrables, bataille décisive ou les hommes et les elfes se voient irrémédiablement défaits par Morgoth, le premier seigneur du mal. Turin au contraire des 9 marcheurs de la communauté de l’anneau, ne change pas l’Histoire par ses hauts faits. Il a même toujours un temps de retard sur elle, forgeant son mythe dans des combats d’arrière garde et ne faisant au final que subir l’engrenage des événements.
La narration dépouillée portée par une écriture simple, première même, est en parfaite harmonie avec l’époque reculée, les terres sauvages et l’ambiance crépusculaire dans lesquelles s’inscrit le récit. Elle installe le lecteur dans l’étrange lenteur d’un âge mythique où le temps n’en finit plus de s’échapper à petits pas.
Tolkien a imaginé Les enfants de Hurin alors qu’il prend part sur le sol français aux combats sanglants de la première guerre mondiale. Difficile de penser que ce contexte n’est pour rien dans la cruauté et le désespoir qui président à l’histoire et notamment au destin de Turin. C’est pas vraiment de la dark fantasy non plus… plutôt de la dépressive fantasy.
L’une des forces du conte réside dans ses personnages secondaires qui sont d’une humanité poignante, y compris les elfes (sic!). Hurin, contraint de contempler en spectateur impuissant la chute de sa lignée, Mîm, le nain à la rancune tenace, Gwindor, l’elfe brisé, Glaurung, incarnation visionnaire du mal, Sador, le vieux compagnon d’enfance ainsi que le valeureux Beleg Cúthalion qui sacrifiera sa vie d’immortelle pour Turin, contribuent tous à donner à ce texte une authenticité toute particulière.
Quant aux femmes, elles sont enfermées dans le même paradoxe que dans le Seigneur des Anneaux. A la fois des vecteurs essentiels de l’intrigue mais condamnées à subir, qu’elles soient mère, sœur ou amante. Seule Eowyn du Seigneur… a valeur d’exception dans la galerie des héroïnes de la Terre du Milieu mais son état de vierge guerrière laisse à penser que sa féminité est le prix à payer pour qu’elle puisse devenir maîtresse de son destin. Cela à de quoi laisser songeur sur la vision des femmes que pouvait avoir Tolkien.
Les Enfants de Hurin est donc un très beau texte laissant deviner hors champs du récit, un vaste univers qui ne demande qu’à se découvrir plus avant à l’occasion d’autres œuvres du maître. Comme la plupart des grandes légendes, celle-ci sous couvert d’une certaine naïveté, réveille en nous quelques interrogations fondamentales mais aussi des peurs enfouies. A découvrir pour ceux qui veulent comprendre l’essence de la Terre du Milieu et aller plus loin que Bilbo qui malgré sa notoriété, n’en reste pas moins une oeuvre que son auteur considérait comme assez secondaire.
Il reste maintenant à souhaiter que Peter Jackson n’ait pas la mauvaise idée d’un nouveau film – mais pourquoi pas venant du Del Toro du Labyrinthe de Pan ?– à partir de cette matière restait vierge jusqu’ici de toute adaptation cinématographique. On peut avoir bon espoir dans la mesure où personne n’a acquis les droits du Silmarillion et que les légendes qu’il contient semblent très difficilement adaptables aux canons des blockbusters actuels : trop d’états d’âme et pas assez de castagne pour ce bon vieux Peter.
Un peu de rap chilien
Ana TIJOUX est née en 1977 à Lille, de parents chiliens réfugiés en France après le coup d’Etat de Pinochet.
Un spot publicitaire japonais assez…improbable.
No comment.